« Tout le monde peut se mettre en colère. Mais il est difficile de se mettre en colère pour des motifs valables et contre qui le mérite, au moment et durant le temps voulus »
Aristote, Éthique à Nicomaque.
Les conséquences de nos pulsions remplissent quotidiennement les pages de nos journaux (meurtres, maltraitances, saccages…). Il peut nous arriver à tous de perdre le contrôle de nos émotions, de réagir par la colère ou la violence, par la dépression ou les regrets.
Nous avions à notre disposition des manuels de développement personnel à foison, mais sans qu’aucun d’eux ne se soit basé sur des données scientifiques. Grâce aux progrès de l’imagerie neurologique, nous pouvons maintenant commencer à comprendre le fonctionnement de notre cerveau.
Daniel Goleman pense que ce qu’il appelle “intelligence émotionnelle” est à l’origine des facultés de maîtrise de soi que l’on peut inculquer aux enfants afin qu’ils puissent utiliser leur potentiel intellectuel, quel qu’il soit, quel que soit leur quotient intellectuel (QI).
Il nous propose alors de le suivre à travers un voyage qui commence par un bilan des dernières découvertes sur l’architecture cérébrale pour se poursuivre par une description de l’intelligence émotionnelle, la maîtrise de nos pulsions, la capacité de nouer des relations d’empathie avec les autres. Puis, quittant le domaine personnel, Daniel Goleman nous entraîne dans le monde de l’entreprise où la réussite de notre carrière passe par la qualité de nos relations.
Lorsque nous devons affronter des situations d’urgence vitale, ou réaliser des tâches trop importantes, notre corps répond directement par nos émotions. Quand nous sommes dirigés par nos émotions, l’intelligence est occultée.
Les premières lois et codes moraux (comme les Dix Commandements) répondent peut-être au besoin de canaliser, domestiquer les émotions et les passions.
L’étymologie du mot « émotion » du latin « motere » qui signifie « mouvoir » et du préfixe « é » qui signifie un mouvement vers l’extérieur, nous montre bien que les émotions nous incitent à agir.
Chaque émotion provoque en nous des réactions physiologiques qui nous permettent d’agir de manière appropriée, sans que l’intelligence y puisse prendre part :
– la colère fait affluer le sang vers les mains afin qu’elles puissent frapper, prendre une arme. De l’adrénaline nécessaire à des mouvements vigoureux est aussi libérée.
– la peur dirige le sang vers les muscles moteurs (pour fuir) et nous fait ainsi pâlir en privant notre visage d’afflux sanguin. Le corps est paralysé un instant, juste le temps nécessaire à une prise de décision vitale : courir, se cacher.
– le bonheur active le centre cérébral qui inhibe les sentiments négatifs et apaise les zones cérébrales génératrices d’inquiétude. Un sentiment d’apaisement se fait sentir, permettant de se remettre rapidement d’une fatigue, ou d’une contrariété. Toutes les actions sont réalisées avec enthousiasme, facilement et de manière variée.
– l’amour, la tendresse, la satisfaction sexuelle engendrent un état de calme et de contentement, apaisant toute peur ou colère, et laissant la place à la complicité.
– la surprise entraîne invariablement un haussement des sourcils qui, en augmentant le champ visuel, permet d’engranger un maximum d’informations et ainsi de préparer une action plus adaptée.
– le dégoût réalise une sorte de grimace faciale universelle, le nez se retrousse un peu, peut-être pour permettre aux narines de se fermer à un poison toxique.
– la tristesse est bénéfique, car elle nous pousse à rester souvent reclus, chez nous, en sécurité, et de prendre le temps d’établir des projets pour l’avenir.
L’esprit rationnel et l’esprit émotionnel se complètent. Le premier nous permet consciemment d’être réfléchis et pondérés et le second nous oblige à des comportements impulsifs et parfois illogiques.
Ces fonctions et comportements découlent directement de l’histoire du développement de la Vie, depuis son apparition sur Terre : Le tronc cérébral est apparu en premier, se développant autour de la moelle épinière et prenant en charge la respiration, le fonctionnement des organes et des mouvements basiques. Après plusieurs millions d’années d’évolution, le néocortex fit son apparition, c’est ce qu’on appelle le « cerveau pensant ». Il s’est développé à partir du bulbe olfactif.
Ce développement important enserre la partie supérieure du tronc cérébral périphérique, d’où son nom de « système limbique » (venant du mot latin « limbus » : bord). Désormais, nous connaissons les émotions : désir, fureur, amour, effroi. Le développement du système limbique nous offrira la capacité d’apprentissage et de mémorisation. Il y a une centaine de millions d’années, plusieurs couches de cellules cérébrales s’ajoutèrent et firent s’accroître de manière significative la taille de notre cerveau, créant un néocortex d’Homo Sapiens incroyablement développé.
Nous pouvons alors ressentir des sensations sur les idées, les symboles, l’imagination et nous tourner vers l’art. L’augmentation de la masse du néocortex entraîne un accroissement exponentiel du nombre de connexions entre neurones. La vie affective devient de plus en plus complexe, nous permettant pour la première fois de réagir à nos propres émotions de manière variée et nuancée.
Le néocortex s’étant développé à partir des aires émotionnelles et partageant avec elles de nombreux circuits, il est aisé de comprendre pourquoi le reste du cerveau est soumis ainsi aux centres de l’émotion.
Près de la base du système limbique se trouve un petit amas en forme d’amande, ce qui lui a donné son nom : amygdale. L’hippocampe et l’amygdale sont les parties essentielles du « cerveau olfactif » primitif à partir duquel se sont formés le cortex et le néocortex. L’ablation de l’amygdale, accidentelle ou non, ôte toute capacité à donner un contenu émotionnel à ce qu’on vit ; on appelle cela la « cécité affective ». Les personnes qui en sont privées n’ont plus ni peines… ni joies.
Les dernières recherches prouvent que l’amygdale détermine nos actions avant même que notre néocortex ait eu le temps de prendre une décision réfléchie : les relations entre ces deux zones sont au cœur de l’intelligence émotionnelle.
En présence d’un événement redouté ou détesté, l’amygdale réagit instantanément et transmet l’alerte à toutes les autres parties du cerveau. En réaction à un stimulus visuel ou auditif, le thalamus est le premier à réaliser un traitement. Puis, dans un deuxième temps, il envoie les informations au néocortex (aire cérébrale de la vision, ou de l’audition) qui va pouvoir interpréter l’information, et décider de ce qu’il y a à faire. Dans un troisième temps, il transmet, si nécessaire, une partie des informations à l’amygdale, donc, au centre de contrôle de nos émotions.
Mais la découverte principale a été de constater que le thalamus transmet aussi l’information directement à l’amygdale en même temps qu’il le transmet au néocortex et que le trajet est deux fois plus court entre le thalamus et l’amygdale, autrement dit, l’amygdale reçoit l’information avant que celle-ci ne soit interprétée ! Ceci explique pourquoi nous réagissons parfois sans comprendre le sens de nos actions. L’amygdale envoie les ordres à notre corps avant même que le néocortex ait su déterminer si l’ordre est judicieux. C’est comme un circuit parallèle, plus rapide !
D’autres recherches ont aussi montré que nous réagissons à une chose bien avant que notre cerveau l’ait interprétée. L’hippocampe enregistre les données brutes, et l’amygdale retient la saveur émotionnelle des événements lors de fortes émotions. C’est pourquoi nous nous souvenons toujours d’une foule de détails du jour de la première rencontre amoureuse, ou de ce que nous étions en train de faire lors de l’annonce du décès d’une personne proche et des détails qui pourraient paraître insignifiants et que nous ne retiendrions jamais dans un contexte habituel. L’excitation de l’amygdale a pour effet d’imprimer les moments d’émotions avec une force inhabituelle.
Chez l’enfant, l’amygdale est mature bien avant le reste du cerveau, car elle est plus proche de sa forme définitive dès la naissance, alors que le néocortex continuera sa croissance même après la fin de l’adolescence. Les premières émotions importantes des toutes premières années de la vie sont donc imprimées dans l’amygdale, à un moment où nous sommes encore incapables d’analyser ces expériences avec des mots. Lorsque ces souvenirs reviennent à la suite d’un stimulus extérieur, ils déclenchent des émotions qui trouvent leur origine au tout début de notre vie, quand tout était nouveau et étonnant, et que nous manquions encore des outils d’analyse et de mise en perspective. On comprend alors mieux pourquoi nous manquons souvent de jugement lorsque nous sommes sous l’emprise d’émotions fortes.
En fait, l’amygdale déclenche des réactions impulsives et angoissées, mais, de l’autre côté du circuit menant au néocortex se trouve, dans les lobes préfrontaux, un centre qui les tempère. Il intervient lorsque nous avons peur ou que nous sommes en colère. L’information traitée par le néocortex provoque une réaction qui est alors coordonnée par les lobes préfrontaux qui planifient et organisent nos actions. Si une réaction affective est nécessaire, les lobes préfrontaux s’en chargent avec discernement et en choisissant parmi tout l’éventail des possibilités : attaquer ou fuir (comme les animaux qui n’ont que ces deux possibilités) ou aussi apaiser, persuader, gagner la sympathie, se sentir coupable, gémir, mépriser… Le cortex préfrontal agit comme un parent qui modérerait un enfant impulsif (l’amygdale) en lui demandant poliment de réagir autrement.
L’existence de ces liaisons entre le cerveau limbique et les lobes préfrontaux peut provoquer, en cas d’émotion forte, une sorte de paralysie neuronale en sabotant la capacité du lobe préfrontal à entretenir la mémoire active, comme lorsque nous sommes contrariés et que cela nous empêche d’apprendre convenablement.
Des chercheurs ont montré que, contrairement à ce que l’on pourrait penser, les sentiments sont indispensables aux décisions rationnelles et au raisonnement. Lorsque la complémentarité s’instaure entre le système limbique, le néocortex, l’amygdale et les lobes préfrontaux, la capacité intellectuelle est améliorée. C’est pourquoi nous allons essayer de mieux comprendre comment utiliser notre intelligence émotionnelle.
L’empathie, la capacité d’automotivation, la persévérance, la maîtrise des pulsions, la patience et la bonne humeur sont des caractéristiques de l’intelligence émotionnelle qui comptent beaucoup plus dans la réussite que n’importe quel test réussi de QI.
Howard Gardner, psychologue à Harvard, a inspiré le Project Spectrum qui, à titre expérimental, éduque les enfants à développer leur intelligence émotionnelle et par là même, à cultiver les dons naturels des enfants et à les cultiver. Il aime à répéter que « beaucoup de gens ayant un QI de 160 travaillent pour d’autres dont le QI ne dépasse pas 100. »
Pour mieux comprendre comment peut fonctionner une telle éducation, il nous faut apprendre à connaître et à ressentir nos émotions intelligentes.
Peter Salovey, psychologue de Yale, a défini les cinq émotions à la base de l’intelligence émotionnelle :
• La connaissance des émotions : La conscience de soi est la clé de voûte de la compréhension de soi, et de l’intuition. Ceux qui en sont maîtres conduisent mieux leur vie.
• La maîtrise de ses émotions : La capacité à adapter ses sentiments à chaque situation, à pacifier son esprit, à se libérer des angoisses, de la tristesse ou de la colère. Ceux qui possèdent cette capacité se sortent incomparablement mieux des revers de la vie.
• L’automotivation : Apprendre à canaliser ses émotions pour se concentrer, se maîtriser et s’automotiver nous permet de nous accomplir et de faire des choses remarquables.
• La perception des émotions d’autrui : L’empathie est la base de toute relation sociale, la compréhension des autres nous ouvre les portes des rapports humains les plus aboutis.
• La maîtrise des relations humaines : Il s’agit là de savoir entretenir de bonnes relations avec les autres, et de savoir gérer leurs émotions. Les personnes qui les possèdent savent se rendre populaires, diriger et conduire efficacement leurs relations avec autrui.
La plasticité du cerveau est telle que nous pouvons compenser nos insuffisances de l’une ou l’autre de ces cinq émotions par l’apprentissage, un ensemble d’habitudes ou de réactions.
Le QI et l’intelligence émotionnelle ne s’opposent pas mais se complètent et nous construisent.
Un conte japonais raconte qu’un samouraï belliqueux demanda à un maître zen de lui expliquer le paradis et l’enfer. Le moine l’éconduit avec mépris. Le samouraï se sentant insulté tira son épée et menaça le moine de le tuer. Le moine dit alors : « Voilà ce qu’est l’enfer ». Surpris par la vérité de ces paroles, le samouraï se calma, rengaina son épée et le remercia de l’avoir éclairé. Le moine ajouta « et voilà le paradis » !
La « conscience de soi » désigne l’attention permanente portée à son état intérieur.
La capacité d’autoréflexion est importante à développer. C’est la différence entre se mettre en colère, et penser « j’éprouve de la colère » pendant que l’on est en colère. Les circuits néocorticaux surveillent les émotions et c’est la première étape vers leur maîtrise. Reconnaître que l’on est de mauvaise humeur, c’est déjà vouloir ne plus l’être !
En tant que parents, nous avons nous aussi notre part dans l’éducation de l’intelligence émotionnelle de nos enfants : lorsque notre enfant fait mal à un camarade, l’injonction « arrête immédiatement ! » a pour effet de l’empêcher de continuer, mais la colère de notre enfant ne s’atténue pas. Nous pouvons donc lui expliquer que nous comprenons sa colère, et lui demander s’il la ressent encore.
On peut distinguer trois catégories de personnes suivant leur rapport qu’elles entretiennent avec leurs émotions :
• Ceux qui ont conscience d’eux-mêmes : Ils sont souvent subtils dans leur vie affective et indépendants, en bonne santé psychologique et ont une conception positive de la vie
• Ceux qui se laissent submerger par leurs émotions : Ils sont souvent versatiles et perdent toute distance avec les événements. Ils ne font pas grand-chose pour se défaire de leur mauvaise humeur et pensent qu’ils ne contrôlent pas leur vie affective
• Ceux qui acceptent leurs dispositions d’esprit : Les personnes généralement de bonne humeur, qui, de ce fait, ne voient pas l’intérêt à changer, et les personnes qui ont des sautes d’humeur et qui les acceptent. Les dépressifs sont souvent dans cette catégorie, résignés dans leur désespoir.
La capacité à se débarrasser d’une mauvaise humeur réside dans la conscience de celle-ci, c’est la seconde forme fondamentale d’intelligence émotionnelle.
Nous ne pouvons vivre sans émotion. Daniel Goleman prône leur équilibre, à la mesure de leur valeur et de leur signification. Une émotion appropriée, proportionnée aux circonstances, nous préserve de l’ennui (moments où les émotions sont trop affaiblies) et de l’angoisse, de la fureur ou encore de la dépression (lorsqu’elles deviennent extrêmes, persistantes et pathologiques).
• La colère
La vie est faite de hauts et de bas, l’art du bien-être est qu’ils doivent se compenser. Tout comme les pensées agitent notre cerveau à chaque seconde, les émotions bourdonnent constamment en nous. L’anatomie du cerveau, comme nous l’avons vu, ne peut nous préserver d’emportements, mais nous pouvons en limiter la durée. L’exemple d’une personne venant de vous faire une queue de poisson est parlante. Que vous dites-vous ? « Quel c… ! Il aurait pu provoquer un accident ! Il ne va pas s’en tirer comme ça ! » ou bien « Peut-être a-t-il de bonnes raisons de conduire ainsi, une urgence médicale par exemple. ». Dans le premier cas, votre corps se prépare au combat, votre cœur accélère son rythme, et si, en plus, la voiture qui vous suit vous klaxonne, vous êtes alors prêt à déverser toute votre colère. Avec les secondes pensées, votre attitude est plus indulgente, elle adoucit la colère et désamorce la montée de fureur. Benjamin Franklin le disait bien « La colère n’est jamais sans raison, mais c’est rarement la bonne raison ».
La fureur est sans doute l’émotion la plus rebelle : elle procure de l’énergie, voire de l’euphorie, à l’inverse de la tristesse. Plus nous ruminons la cause de notre fureur, plus nous réinventons de bonnes raisons, et alors, nous attisons encore plus notre fureur. Reconsidérer la situation sous un angle plus positif est l’un des moyens les plus sûrs pour nous calmer.
La colère se nourrit d’elle-même. L’amygdale libère de la catécholamine à chaque poussée de colère et qui se dissipe en une vingtaine de minutes. Une pensée qui surgit lorsque ce processus d’escalade est bien avancé déclenche une bouffée de colère bien plus violente que celle ayant alimenté le mécanisme à ses débuts.
Parvenu à ce stade, l’individu ne pardonne plus et ne peut plus être raisonné. Cette grande excitation entretient une illusion de puissance et d’invulnérabilité, susceptible d’inspirer et de faciliter l’agression. Pendant ce laps de temps, toute autre pensée ou perception qui se forme, provoque la montée du niveau d’excitation de l’organisme.
Une expérience a été réalisée au cours de laquelle un assistant insultait et provoquait des sujets volontaires, testés. Lorsqu’on offrait aux sujets l’occasion de se venger de l’assistant, en donnant leur avis sur sa candidature à un emploi, ils le faisaient avec une colère mêlée de jubilation.
Une variante a été réalisée : une complice entre juste après les provocations en demandant au provocateur de sortir pour n’importe quelle raison. Elle reste même indifférente à la remarque sarcastique que lui lance l’assistant et, une fois celui-ci sorti, elle explique que le provocateur est extrêmement tendu à l’approche de ses examens. Lorsqu’on donne ensuite aux sujets irrités l’occasion de se venger, ils n’en font rien, et, au contraire, expriment de la compassion à son égard. Une information apaisante permet donc une réévaluation des événements à l’origine de la colère et offre l’occasion d’une désescalade de celle-ci.
La distraction est un procédé extrêmement efficace pour modifier son humeur. Il est donc préférable de faire une longue marche, l’exercice physique étant un excellent calmant. Ou encore, une séance de relaxation, quelques profondes respirations, un moment de détente musculaire permettent au corps de passer d’un était d’excitation à un état d’excitation moindre. L’apaisement de la colère ne se fera toutefois que si le train de pensées agressives s’interrompt.
C’est pour cela que nous pouvons nous éloigner de l’autre momentanément, en pensant à autre chose, lire, regarder la télévision ou aller au cinéma, car ces dernières activités peuvent facilement nous permettre de changer d’idées ! Une autre stratégie pour maîtriser son irritabilité est d’essayer d’être conscient de soi-même, de saisir au vol les pensées cyniques ou hostiles et de les coucher par écrit, ainsi, il est plus facile de les identifier précisément et de les contester ou de les réévaluer.
L’une des croyances populaires qui dit qu’il vaut mieux laisser libre cours à la colère s’effondre face au fait qu’au contraire, cette attitude excite davantage le cerveau émotionnel, et la personne finit par être plus en colère qu’avant.
• L’anxiété
Les pensées anxiogènes sont légion, et ne font que nous faire « tourner en rond ». L’exemple type suivant est très parlant : « Tiens, le moteur fait du bruit… Si je dois conduire ma voiture au garage, cela va me coûter cher… Il va falloir que je prenne sur ce que j’avais mis de côté pour l’école de ma fille…
Je risque de ne plus avoir la somme nécessaire pour l’inscrire… Et puis, ses notes ont baissé au dernier bulletin… Qu’est-ce qui va se passer si ses notes se mettent à baisser et s’il ne peut entrer dans cette école ?… Je crois bien que le moteur est fichu…». Et voilà, la boucle est bouclée, chaque souci renvoie à un autre, qui renvoie au bout de quelques-uns… au premier…
La peur en présence d’un danger potentiel a pour conséquence un comportement vigilant, et provoque de l’anxiété, bien normale aux temps préhistoriques, car elle permet de se concentrer sur les moyens d’y faire face. S’inquiéter permet de trouver une manière positive de remédier à la cause de l’inquiétude. Mais, lorsque le cycle s’intensifie et se prolonge, l’angoisse apparaît avec ses prolongements naturels : phobies, obsessions et compulsions, crises de paniques.
Les anxieux se racontent des histoires en sautant d’une préoccupation à l’autre, en paroles et non en images. Les insomniaques aussi sont concernés, car en fait, le problème ne vient pas d’excitation somatique, mais de pensées inopportunes.
Les anxieux chroniques sont incapables de suivre le conseil simple d’arrêter de se tracasser, ou de ne pas se faire de souci, de prendre la vie du bon côté. Toutefois, des solutions simples peuvent les aider à maîtriser leurs émotions : reconnaître les tout premiers signes physiques de montée de l’angoisse : accélération du pouls, transpiration, tremblements. Un simple exercice de relaxation peut alors être réalisé (exercice qui est pratiqué quotidiennement, afin de bien le maîtriser au moment où le besoin se fera sentir).
De suite, l’étape suivante peut être mise en route : la critique vis-à-vis de soi-même et de son anxiété (l’évaluation du risque que l’événement tant redouté se produise, les manières de parer à l’éventualité, l’utilité de remâcher sans cesse ces pensées inquiètes).
• La mélancolie
La tristesse est l’émotion dont on essaie le plus de se débarrasser. Toutefois, elle est parfois positive, en effet, l’attention se fixe sur l’objet perdu. Elle oblige à réfléchir à la signification de la tristesse, de la perte, et enfin, d’effectuer de nouveaux plans qui permettront à la vie de continuer. Le deuil est utile, la vraie dépression, non. La persistance ou non de la dépression dépend en grande partie du penchant de l’individu à ruminer.
La stratégie à mettre en place est double : d’une part, contester les pensées ruminées et les remplacer par des pensées plus positives, d’autre part, établir un programme distrayant. L’aérobic est l’un des moyens les plus efficaces pour traiter une dépression légère et une humeur négative. Une des façons efficaces pour se remonter le moral est de se gratifier d’un petit succès, de réaliser quelque chose que l’on s’est obligé à faire. L’aide aux autres est aussi l’un des moyens les plus efficaces contre la mélancolie… !
• Le refoulement ou le refus optimiste
Les personnes qui amortissent les émotions négatives en deviennent de tels experts, qu’ils n’ont même plus conscience de leur négativité ! De nombreuses personnes font tout pour ignorer des émotions comme la colère ou l’anxiété (une personne sur six). Ne pas montrer ses émotions afin d’être un exemple de stoïcisme pour ses enfants ou encore rester impassible devant une situation pénible. Les perceptions gênantes sont affadies par une activité augmentée dans le lobe préfrontal gauche (alors que le droit est le centre de la négativité). Les personnes s’autorégulent par une tranquillité de l’esprit, peut-être au prix d’une perception affaiblie de leur conscience d’eux-mêmes.
La « mémoire active » est l’aptitude à conserver toute information en rapport avec la tâche en cours à l’esprit. Toutefois, dans certaines situations, nous pouvons ressentir une certaine paralysie (comme lors d’un examen où nous perdons nos capacités, ou d’un spectacle où le trac nous submerge).
À l’inverse, lorsque l’enthousiasme, la confiance se mobilisent pour atteindre un but, la motivation est sans limites et les résultats parlent d’eux-mêmes. Le peloton de tête dans toute activité se distingue des autres, à niveau égal, par une capacité sans borne à la persévérance sans relâche, à la ténacité (notion que l’on retrouve d’ailleurs chez Anthony Robbins avec le CANI : Constant And Never-ending Improvement soit, une « amélioration constante en persévérant sans fin »).
Un état d’hypomanie (état de légère exaltation) est la plus plaisante pour les écrivains et les personnes créatives. Une bonne façon d’aider quelqu’un à surmonter une difficulté consiste à la faire rire… la bonne humeur libère la pensée, et donc, l’imagination.
Les personnes qui sont confiantes se fixent des objectifs plus élevés en général, et travaillent davantage et avec acharnement à leur réalisation, et donc, finalement, atteignent leurs objectifs ! Ces personnes savent se motiver et se persuader que les choses s’arrangeront lorsqu’elles connaissent un revers, car elles ont la conviction d’avoir les moyens d’atteindre leurs objectifs et la souplesse nécessaire pour découvrir d’autres voies de succès.
L’optimiste pense qu’un échec provient toujours d’un élément qui peut être modifié, de façon à ce que la prochaine fois se transforme en réussite. Les pessimistes se reprochent à eux-mêmes leurs échecs et le mettent sur le compte de leur propre « caractère », non modifiable. Certes, nous avons tous un tempérament plutôt optimiste ou pessimiste, mais il est possible d’apprendre à modifier ses attitudes par l’expérience et l’apprentissage.
La « fluidité » est le summum des émotions mises au service de la performance ou de l’apprentissage. Ce sont les moments où l’on donne le meilleur de soi, où le temps n’a pas de prise sur ce que l’on fait et que l’on va au-delà de ses propres limites. C’est une merveilleuse sensation que nous avons tous un jour connu. La discipline nous permet de la connaître plus souvent par une concentration, une discipline, une focalisation sur ce que l’on veut réaliser qui permet alors de s’affranchir de tout ce qui n’est pas la tâche à accomplir pour la réaliser sans effort. L’attention est à la fois détendue, et très focalisée. Nous sommes légèrement euphoriques. L’activité corticale du cerveau est atténuée et les dépenses d’énergie sont minimales (alors qu’une concentration tendue accroît celles-ci).
L’empathie est la capacité de ressentir ce que les autres ressentent, de se mettre à leur place. Ceux qui la ressentent le plus sont ceux qui perçoivent le plus leurs propres émotions. L’empathie pousse donc à se soucier des autres et, dans ce sens, son contraire est l’antipathie.
La plupart des émotions ne sont pas traduites par des mots, mais par le ton d’une voix, des gestes, l’expression d’un visage. Bien entendu, c’est un plus pour les relations amoureuses. Les enfants qui savent le mieux décrypter ses signes non verbaux réussissent mieux scolairement, bien qu’ayant un résultat au test de QI identiques à d’autres qui eux, ne reconnaissent que peu, cette façon de communiquer.
Une façon de comprendre l’autre est de comprendre l’émotion dans la manière dont il dit les choses, plutôt que dans les mots prononcés eux-mêmes. 90 % au moins des messages affectifs passent par la communication non verbale. Dès les premières heures de la vie, même les bébés ont de la peine en entendant un autre bébé pleurer. Les bébés souffrent par empathie avant même d’être conscients du fait qu’ils existent indépendamment des autres. À l’âge d’un an, ils comprennent que ces souffrances ne sont pas les leurs, mais ont envie de faire quelque chose pour l’autre, sans savoir quoi faire.
Les enfants ressentent plus d’empathie quand leurs parents leur expliquent ce que ressentent les autres en conséquence de leurs mauvaises actions par exemple. Ils aident leurs enfants à se mettre à la place de l’autre et à ressentir les émotions d’une autre personne.
Toutefois, lorsqu’un parent ne manifeste à l’enfant aucune empathie sur telle émotion que ressent celui-ci, et de façon durable, l’enfant finit même par ne plus ressentir cette émotion. Certes, ce n’est pas irrémédiable et une psychothérapie ultérieure peut en partie réparer ce handicap, mais que de temps perdu et d’émotions non vécues !
Anatomiquement, la partie droite des lobes frontaux, lésée chez certains patients, entraîne une incapacité à comprendre un message affectif passant par le ton d’une voix, se limitant au strict sens de chaque mot de la phrase (par exemple : aucune différence de perception entre un véritable « merci » et le même mot prononcé de manière irritée).
En l’absence totale d’empathie, les individus deviennent des satyres et des sociopathes. En effet, cette absence entraîne des raisonnements centrés sur la personne elle-même, en ignorant l’autre. Un violeur peut très bien raisonner ainsi : « les femmes rêvent de se faire violer. Si elle résiste, c’est qu’elle fait la difficile », les pédophiles se disent « je ne lui fais pas de mal, je lui apprends l’amour.
C’est ma manière de lui montrer mon affection », un parent maltraitant se dira après avoir battu son enfant que « c’est une bonne leçon ». Un pédophile pourra même se dire « si l’enfant ne veut pas d’acte sexuel avec moi, il peut toujours s’arrêter », il ne voit l’autre qu’à travers son propre filtre de fantasme pervers, et à aucun moment ne se met à la place de l’enfant. L’enfant n’a pas de sentiment propre pour le pédophile.
Les psychopathes se raconteront n’importe quelle histoire pour autant qu’elle aboutisse à ce qu’ils veulent de leurs victimes. Les psychopathes, souvent, ne ressentent aucune peur pour eux-mêmes (ni celle de la sentence ni celle de douleurs physiques de certains châtiments, aux États-Unis par exemple), ils ne peuvent donc pas ressentir ce que ressentent leurs victimes, et n’éprouvent aucune empathie.
Un certain calme intérieur permet de s’ouvrir aux autres et d’y être réceptif. Pour aider les autres, et gérer leurs émotions, il nous faut deux atouts de base : la maîtrise de soi et l’empathie.
Les émotions, comme de nombreuses études le montrent, sont contagieuses. Les personnes qui savent aider les autres, apaiser leurs soucis sont des personnes vers lesquelles tout le monde se tourne dans les moments difficiles. Lors d’un transfert de l’humeur d’un individu vers l’autre, la contagion émotionnelle se dirige du plus au moins expressif.
La coordination émotionnelle est ressentie lorsqu’une interaction se produit entre au moins deux personnes : les gestes des individus pendant qu’ils parlent se reflètent, les deux changent de position au même instant. La synchronie se voit parfois entre professeurs et élèves, ils s’apprécient alors, et ils se sentent heureux, enthousiastes et intéressés.
L’harmonisation que connaissent une mère et son bébé se transforme en coordination des humeurs entre adultes. On retrouve ce type de communication dans les capacités suivantes :
• L’aptitude à organiser des groupes : capacité première des leaders
• La capacité à négocier des solutions : talent des médiateurs
• La capacité à établir des relations personnelles : aptitude à éprouver de l’empathie et à communiquer. Les bons coéquipiers possèdent ce talent et on peut compter sur leur sérieux.
• La capacité d’analyse sociale : capacité de comprendre les motivations des autres, leurs sentiments. C’est l’une des capacités propres aux bons thérapeutes ou romanciers.
On comprend bien que ces aptitudes sont partie intégrante du charme, du charisme ou de la réussite sociale. C’est un plaisir de fréquenter les personnes qui les possèdent.
Les enfants ou les personnes impopulaires cherchent à s’imposer au groupe, alors que les autres prennent le temps d’observer le groupe afin de comprendre ce qui s’y passe avant de s’en approcher, puis en acceptent les règles avant d’émettre des suggestions si besoin est.
L’ultime « étape » de la maîtrise de l’habileté sociale est ce que Daniel Goleman appelle le « génie émotionnel ». Une personne capable de gérer la fureur de l’autre, c’est-à-dire, capable de la distraire de sa colère, d’éprouver de l’empathie et d’épouser son point de vue afin de lui en faire changer possède cette maîtrise que nous aimerions, j’imagine, tous posséder.
L’intelligence émotionnelle peut aussi couvrir le domaine du mariage… afin d’éviter le divorce. Sans vouloir être trop caricatural, Daniel Goleman brosse un tableau où l’homme se plaint des exigences déraisonnables de sa femme, tandis qu’elle ne voit que de l’indifférence dans l’attitude de son mari vis-à-vis de ce qu’elle dit. Mais, ce « clivage » homme-femme n’apparaît pas à la naissance, il provient de la façon dont les enfants sont élevés : les parents parlant plus facilement des émotions à une fille (mis à part la colère) qu’à un garçon.
Dès 10 ans, les filles jouent ensemble par petits groupes et essaient d’asseoir leurs relations sur la coopération, les jeux de rôles. Les garçons, eux, jouent en groupes plus importants, où la compétition est souvent reine. Si un jeu doit s’arrêter parce qu’un enfant s’est fait mal, les filles se tournent de suite vers celle qui souffre, lui parlent et la consolent, alors que les garçons laissent le blessé seul, lui reprochant presque d’avoir interrompu le jeu.
Il ne faut donc pas s’étonner si une dizaine d’années plus tard, les femmes réclament des discussions afin d’échanger avec leur mari, alors que pour eux, la complicité est la façon de réaliser quelque chose ensemble, de concret.
Le secret de la communication conjugale est de se plaindre et non de faire des reproches. Voici la différence par un exemple concret entre ces deux concepts : « Quand tu oublies de prendre mes vêtements au pressing, j’ai l’impression que tu ne penses pas à moi. » ou bien « Être à ce point égoïste et sans égard ! Ça prouve bien que je ne peux vraiment pas compter sur toi pour faire les choses comme il faut, puisque tu oublies de passer au pressing ! » Le premier exemple repose sur l’émotion qu’un fait, une action, engendre chez la personne, et alors, le partenaire peut, par empathie, se mettre à la place de l’autre et une discussion saine peut s’engager. La deuxième phrase, accusatrice, juge l’autre sans procès, sans appel et le blesse. Plusieurs petites phrases identiques, régulièrement assénées ne conduisent qu’à une séparation à plus ou moins long terme ! Le conjoint accusé n’a que deux solutions : être sur la défensive, ou riposter. La riposte est stérile, surtout si elle est réalisée, elle aussi, sous forme de reproche…
Les pensées pénibles deviennent automatiques et renforcent le sentiment de victimisation de l’un ou l’autre partenaire. De ce fait, même une gentillesse sera ignorée ou minimisée, laissant libre cours à la spirale des reproches ou des ruminations des griefs que l’un a contre l’autre.
Une simple pensée comme « peut-être est-il/elle de mauvaise humeur — je me demande s’il n’a pas de problème à son travail…» permet de ne pas voir l’autre comme irrécupérable, mais comme une passe difficile que l’on peut résoudre.
Sur le plan physiologique, la submersion par la colère consiste en une élévation du rythme cardiaque. Elle commence quand le cœur atteint 100 battements par minute (au lieu de 72 pour les femmes, et 82 pour les hommes en moyenne au repos), seuil facilement accessible lors des colères ou des crises de larmes. Des hormones alors sont sécrétées par le corps afin d’entretenir un état d’alarme pendant un certain temps. Le cœur accélère alors encore de 10, 20 ou même 30 battements supplémentaires par minute. Les muscles se tendent, et parfois même des troubles de la respiration apparaissent. Les émotions ont alors totalement pris le dessus, et la meilleure façon n’est pas, pour les hommes, de se refermer dans le silence, ou, pour les femmes, de critiquer sans relâche leur conjoint, mais de prendre note qu’un problème existe. L’homme peut alors proposer à sa femme de l’écouter plus calmement et d’entendre ce qu’elle a à dire. La femme peut alors veiller à ne pas attaquer, ni critiquer personnellement son mari, mais se limiter à lui parler de son comportement et de ce que celui-ci engendre comme émotion chez elle. Il serait bon qu’elle élargisse ses idées, et surtout, qu’elle rassure son mari sur son amour.
L’homme et la femme formant un couple « idéal », et dont l’union est durable, ne s’éloignent jamais d’un sujet de désaccord et échangent leurs différents points de vue dès le départ, quels qu’ils soient. Chacun montre à l’autre qu’il est à son écoute. La tension est donc réduite, et une discussion constructrice peut s’épanouir.
Comme nous ne sommes pas tous maîtres en la matière, nous pouvons prêter notre attention à notre rythme cardiaque. Dès que celui-ci s’élève de 10 battements au-dessus de notre rythme habituel, il convient de faire part à l’autre de la conscience d’un différend, de lui assurer son écoute ultérieure, cinq minutes plus tard, le temps de se séparer afin de retrouver un rythme cardiaque normal, et de reprendre plus calmement la discussion, en prenant soin de bien définir l’objet de la discussion et de ne pas s’en écarter. Cette « procédure » peut être discutée au calme, peut-être même, dès le début d’une relation, afin de se mettre d’accord sur la façon dont le couple se comportera en cas de désaccord, dans le respect de chacun.
Daniel Goleman propose alors, afin de déterminer le sujet et de s’y circonscrire la méthode XYZ qui consiste à communiquer par la formulation suivante : « Quand tu as fait X, j’ai ressenti Y, et j’aurais préféré que tu fasses Z ». C’est une communication explicite, qui exclut la rudesse et bannit toute attitude défensive de l’autre. Le respect de l’autre et l’amour sont les meilleurs outils pour désarmer tout conflit, chacun a le droit de reconnaître sa responsabilité, ou même de s’excuser, afin de montrer à l’autre que l’ont prend en compte les sentiments qu’il exprime, même si l’on n’est pas d’accord (par exemple : « Je vois bien que tu es contrarié[e] »). La légitimation apaise le conjoint qui voit qu’il a été compris, même si le désaccord reste, l’un et l’autre savent alors ce que ressent l’autre et, dans le respect, peuvent désormais préserver le partenaire.
Dans 80 % des accidents d’avion, l’erreur fatale aurait pu être évitée par une harmonie plus grande entre l’équipe et l’écoute de l’autre.
En effet, lorsque l’on est contrarié, notre attention se délite et nous avons du mal à prendre des décisions : « le stress rend les gens idiots ».
Daniel Goleman nous indique que « diriger, ce n’est pas dominer, c’est savoir persuader les autres de travailler pour atteindre un but commun ».
La première qualité dans le travail est de savoir transmettre les informations dont les collaborateurs ont besoin pour avancer, y compris celle de leur dire s’ils vont ou non dans la bonne direction à chaque étape, afin que la dernière soit une réussite. Là encore, comme dans le couple, l’exposition de griefs sous forme de critiques fécondes, la possibilité laissée à tous d’exprimer ses idées crée une atmosphère propice au travail efficace et dans la bonne humeur.
Une expression lapidaire comme « Vous êtes en train de vous planter », agrémentée d’un ton sarcastique est tout à fait stérile sur le plan de la réalisation pure d’un projet, mais plus encore, ne laisse à la personne aucune possibilité de répondre puisque le reproche est général et sans aucune proposition d’amélioration. Elle génère un sentiment de démotivation et de doute chez le collaborateur à qui cette sentence est adressée.
Une bonne critique doit être énoncée et composée comme suit :
• description de ce que la personne a déjà accompli
• description de ce qu’elle peut encore accomplir
• énonciation sous forme de conseil afin que le collaborateur puisse entendre les suggestions d’amélioration
• sur un ton empreint d’optimisme
• précision de l’explication de ce qui a été mal fait et de ce qui doit être fait pour le corriger ou ne pas le reproduire
• prononciation avec empathie afin de sentir l’impact de ce que l’on dit sur l’autre, sans préjugé.
Dans l’entreprise, l’intelligence émotionnelle demande aussi de ne tolérer aucune intolérance.
Lorsque nous sommes malades, nous nous sentons subitement faibles, vulnérables et souvent impuissants. Nous ne souhaitons que nous voir rassurés, consolés par les médecins et le personnel soignant, alors que celui-ci réalise son travail d’un point de vue « scientifique », et souvent, en négligeant l’aspect émotionnel que chaque phrase ou chaque mot fait résonner en nous.
Il faudrait que le « corps » médical tienne compte autant de la composante émotionnelle que de la composante purement physique.
Les chercheurs ont découvert que le système nerveux est relié au système immunitaire. Chaque émotion génère des hormones particulières qui ont un effet important sur les cellules immunitaires.
L’un des exemples donnés par Daniel Goleman concerne, par exemple, une opération. Si une personne dit qu’elle ne veut pas être opérée, certains chirurgiens annulent l’intervention, car ils savent que dans ce cas, les personnes réagissent extrêmement mal. Elles saignent plus, sont plus souvent infectées ultérieurement et sont plus sujettes à des complications, sans compter que le temps de convalescence est augmenté. La raison en est simple : la panique et l’angoisse augmentent la tension artérielle qui entraîne alors un saignement accru des veines ; ce qui est l’une des complications les plus ennuyeuses lors d’une opération.
De plus, toutes les études montrent que les accès de colère, répétitifs, mobilisent durement le cœur en augmentant le rythme cardiaque et la tension. Avec la répétition, il peut en résulter des dommages, même bénins au niveau des artères, des micro-fissures au niveau de l’artère coronaire en particulier, qui, sur plusieurs années, peuvent entraîner un grave problème cardiaque. Par exemple, à Stanford, on enseigne la tolérance aux personnes ayant déjà eu une crise cardiaque, ce qui diminue de 44 % le risque d’une deuxième crise.
Plusieurs études montrent que le stress pourrait diminuer et altérer les fonctions immunitaires, ce qui permettraient l’accélération de métastases, l’augmentation de la vulnérabilité aux attaques virales, et le déclenchement de crises d’asthme, entre autres, sans compter toutes les implications dans les troubles de l’appareil digestif.
Il est donc nécessaire et indispensable, surtout dans le cas de maladies graves, de traiter aussi l’état stressé, ou dépressif des patients.
La communication et l’expression des émotions sont nécessaires, et une étude là encore, a montré que les femmes survivaient deux fois plus longtemps après un traitement d’un cancer avancé du sein, si elles participaient à des réunions de discussion où elles pouvaient exprimer leurs émotions, leurs craintes et, tout simplement, échanger librement au sujet de leur maladie.
Comme l’a justement signalé un patient : « La compassion est plus que du réconfort, c’est un bon médicament ».
Une bonne éducation à l’intelligence émotionnelle est le principal rôle des parents. Mais certains parents ne font pas attention aux sentiments de l’enfant et les ignorent en les trouvant insignifiants, ou bien ils laissent faire et promettent des récompenses, ou des punitions… D’autres sont aussi toujours insatisfaits de leurs enfants, les méprisant et les critiquant sans cesse et ne respectant pas ce qu’ils ressentent, et même, se fâchent quand l’enfant tente de se justifier… « je t’interdis de me répondre ! »…
Une autre attitude consiste à profiter de la contrariété ressentie par l’enfant pour lui enseigner comment la dominer, en l’écoutant, et lui posant les « bonnes » questions : « es-tu en colère par ce que… ? », « Au lieu de te battre, pourquoi ne t’amuses -tu pas de ton côté ? », « Que ressens-tu maintenant ? ». Les enfants se détendent alors, deviennent moins brutaux, et plus attentifs et, par la même occasion, deviennent de meilleurs élèves car plus attentifs.
Lorsqu’un enfant demande de l’aide pour la réalisation d’un puzzle ou tout autre jeu, le fait que l’adulte vienne l’aider avec un réel plaisir ou vienne sous la contraints, ou même, ne vienne pas du tout, va façonner la manière de penser de l’enfant. Dans le premier cas, il saura qu’en cas de problème, il n’est pas seul, et peut compter sur les autres, et sera plus enclin à demander, plus tard, de l’aide à ses professeurs ou collègues. Dans le second cas, l’enfant deviendra souvent méfiant, et agressif. Le manque d’attention est certainement plus dévastateur que les mauvais traitements.
À la suite d’une agression, même si la personne n’en est que témoin, il s’ensuit pour certains un syndrome de stress post-traumatique (PTSD) conduisant à des cauchemars, des rêves donnant même parfois une sensation de mort imminente. Les souvenirs terrifiants deviennent des détonateurs super-sensibles qui sont prêts à se déclencher au moindre signe pouvant laisser penser que les conditions sont de nouveau réunies et peuvent reproduire le fait à l’origine du traumatisme. L’amygdale est imprimée durablement et profondément.
L’une des différences importantes dans la façon dont les personnes réagissent à un PTSD est fonction de celui-ci. Elles s’en débarrasseront plus facilement si elles n’ont pas eu l’impression d’une impuissance totale : incontrôlable.
L’une des techniques utilisées pour guérir les PTSD est de faire revivre le traumatisme dans un cadre sécurisant, c’est-à-dire un contexte peu angoissant, et ensuite, d’imaginer un dénouement « magique », heureux, car cela donne au cerveau un sentiment de maîtrise. L’art est une autre technique : le processus de dessin déclenchant dans le cerveau un début de sentiment de maîtrise du traumatisme, de possibilité de le circonscrire.
Il est donc très important de débuter la guérison par l’établissement d’un sentiment de sécurité, par la relaxation, et tous les moyens de calmer les circuits émotionnels afin de préparer le réapprentissage. Puis, il faut reformuler le déroulement de ce qui s’est passé, afin d’en voir, petit à petit, le caractère complètement unique, par des détails, par des précisions, et par la description de ce que la personne a ressenti et ressent toujours au fur et à mesure de la narration de ce qui s’est passé. La répétition de cette étape permet de s’en distancier, et c’est une leçon importante reçue par le cerveau, car le discours devient plus fluide, progressivement.
Dès la naissance, nous savons tous que nous avons un tempérament privilégié parmi les quatre suivants : timide, hardi, optimiste et mélancolique. Bien entendu, avec toutes les nuances qui y sont associées.
Pourtant, nous connaissons tous de grands timides qui sont devenus de grands acteurs… La naissance ne fait pas tout, l’éducation de l’intelligence émotionnelle façonne ensuite nos émotions et peut les modifier du tout au tout.
Les généticiens nous expliquent que les gènes ne déterminent pas tout, l’environnement (en particulier pendant l’enfance) peut améliorer et modeler la manière dont le caractère s’exprimera.
Nous constatons avec effarement les crimes odieux commis par des mineurs pour des raisons futiles : mère tuée parce qu’elle refusait de laisser un enfant regarder la télévision, copain qui s’est moqué du futur tueur… Daniel Goleman trouve que l’on se soucie plus d’apprendre à lire à nos enfants qu’à contrôler leurs émotions afin qu’ils soient encore en vie demain…
Les enfants agressifs (futurs adultes) font le postulat que les autres sont hostiles et négligent les faits réels. Les actes suivent de suite ce qu’ils perçoivent comme des menaces.
Une possibilité pour l’école, consiste à un jeu de rôle : par petits groupes, on décrypte les émotions des uns et des autres, appelant l’empathie, mais surtout, on modifie la façon de voir l’autre, et son attitude qui n’est pas forcément menaçante. Et donc, petit à petit, l’éducation modifie la perception ressentie par les enfants, face à des actes anodins.
La dépression, les troubles alimentaires, l’isolement et l’abandon des études, l’alcoolisme et la toxicomanie peuvent aussi être atténuées par l’éducation émotionnelle.
La Nueva Learning Centre de San Francisco est une école qui a intégré l’enseignement de l’intelligence émotionnelle au programme de pédagogie pure.
À l’appel des élèves le matin, ceux-ci ne répondent pas par un « Présent ! », mais par un chiffre qui correspond à une humeur : « 1 » veut dire déprimé, et « 10 » signifie que le moral est au plus haut.
Ensuite, au cours de la matinée, le professeur pourra revenir ainsi sur les rejets, envies, disputes, bagarres et tous les autres événements qui ont pu se dérouler dans et hors école, afin de les mettre en perspective, de parler du comportement judicieux à adopter et surtout, de faire trouver aux enfants eux-mêmes des solutions à leurs problèmes et à ceux de leurs camarades.
Ils apprennent par différents jeux et projets à collaborer pour réussir le problème posé (car celui-ci ne peut être réalisé en solo), apprennent à arbitrer eux-mêmes des conflits entre enfants, et osent parler de leurs problèmes aux professeurs et aux autres élèves, car ils savent que ceux-ci vont les écouter et trouver des solutions avec eux, sans jugement préalable.
Dans les écoles de New Haven, on apprend aux enfants, dès la maternelle, une technique pour maîtriser les pulsions en 6 étapes :
Feu rouge
1. Marque un temps d’arrêt, calme-toi et réfléchis avant d’agir
Feu orange
2. Expose le problème et explique comment tu te sens
3. Donne-toi un but positif
4. Imagine un grand nombre de solutions
5. Pense aux conséquences possibles
Feu vert
6. Passe à l’action en appliquant le meilleur plan
Les enfants doivent suivre les 6 étapes dès qu’ils se sentent en colère, tristes, vexés afin d’apprendre chaque jour à se maîtriser et d’arriver à l’âge adulte bien plus aguerris.
Cette méthode est une variante du modèle appelé SOCS pour Situation Options Conséquences Solutions : on expose une situation et on exprime les sentiments qu’elle remue ; puis, on recherche les différentes options qui se présentent et les conséquences que chacune entraîne et enfin, on choisit la solution adéquate.
Daniel Goleman rêve que l’apprentissage de l’intelligence émotionnelle puisse enfin épargner des vies tant en diminuant le nombre de morts et d’agressions, qu’en agrémentant ce que les personnes vivent émotionnellement.
Daniel Goleman, docteur en psychologie, qui a enseigné à Harvard, a été touché par les accidents quotidiens relatés dans les journaux ; accident d’un genre spécial car ils sont tous la conséquence de pulsions incontrôlables. Il désire, par l’intelligence émotionnelle, pouvoir sauver des vies futures.
Le récit est truffé de statistiques, de rapports d’études et d’exemples qui étayent chacun des aspects de l’exposé.Dans cette chronique, nous avons délibérément choisi de faire l’impasse sur ces détails afin d’aller à l’essentiel de la mise en application de l’intelligence émotionnelle, pour plus de légèreté et surtout, pour nous laisser la possibilité de nous focaliser sur les solutions que propose l’auteur.
Daniel Goleman nous livre des pistes de réflexion plutôt qu’une méthode à appliquer de A à Z. Son livre traite tout aussi bien des effets physiologiques de l’apparition d’une émotion, que des dialogues intérieurs que chacun a avec lui-même et aussi des solutions que trouvent certains chercheurs. Daniel Goleman nous offre les résultats de certaines expérimentations afin de nous offrir des pistes à mettre en application.
Note : Cette chronique a été rédigée par Elisabeth Chervonaz-Humez
Qu'est-ce qu'une Zone de Confort ? La zone de confort est un concept clé en…
De nombreux individus cherchent à contrôler chaque aspect de leur vie, qu’il s’agisse du travail,…
Prendre des actions chaque jour, même les plus petites, a été un parcours de découverte…
Une distorsion cognitive est une interprétation erronée de la réalité. Elle provient de notre tendance…